Au Cameroun, les opérateurs titulaires de licences de télécoms peinent à exercer

Par Ruben Tchounyabe

Le 2019-11-11

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Malgré ce titre délivré par les pouvoirs publics, les opérateurs qui offrent des services à valeur se voient refuser des conventions d’interconnexion par des concessionnaires des télécoms tels que MTN et Orange.

A couteaux tirés avec les opérateurs de téléphonie mobile depuis quelques mois, GTS Infotel a vu ses services interrompre il y a quelques jours. Le licencier du secteur des communications électroniques s’est fondu d’un communiqué accusant les concessionnaires d’avoir suspendu sans préavis et sans l’accord préalable du régulateur, ses interconnexions SMS. Ceci respectivement les 13 et 15 novembre. GTS Infotel regrette cette décision de la part de ses fournisseurs dans la mesure où d’après lui, les antagonistes étaient en discussion devant le régulateur dans le cadre d’une procédure de tentative de conciliation engagée depuis décembre 2018, en vue de la signature des conventions d’interconnexion. La rupture du service de GTS entraîne également des préjudices chez ses clients dont certains menacent d’ailleurs de contracter avec d’autres prestataires.

GTS prend ainsi la décision d’arrêter ses activités de fournisseur SVA pour ce qui concerne les services audiotex d’entreprise se limitant au Bulk sms. L’opérateur explique ce retrait par des conditions assez difficiles, à savoir un marché largement dominé par les agrégateurs de sms internationaux et les Simbox. Ajouté à cela, les conditions d’exploitation imposées par chaque opérateur mobile.

Dans cet environnement marqué par des conflits opérateurs concessionnaires-fournisseurs qui se multiplient, la décision du ministre invitant désormais tous les opérateurs des réseaux et fournisseurs de services de communications électroniques à s’interconnecter à une plateforme unique logée à la Campost, est peut-être un debut de solution. En ce sens qu’il permet de libéraliser l’accès Ussd tant souhaité par les opérateurs titulaires de licences tels que GTS ou Kakotel. En effet, plus de 1 000 fournisseurs de services TIC incluant les startups et plus de 200 fournisseurs SVA déclarés à l’ART ne peuvent pas s’interconnecter directement à chaque opérateur mobile. Désormais, ils auront moins de pression pour ce qui est de l’interconnexion Ussd. Restera alors à résoudre les problèmes d’interconnexion voix et Sms.


Interview

Pierre François Kamanou : « Cette rupture crée un fort préjudice commercial chez nos clients »

Le directeur général de GTS Infotel évoque les difficultés que traverse l’entreprise depuis la suspension de ses services par les opérateurs.

Vous avez déploré il y a quelques jours, la suspension des services SMS de GTS Infotel par les opérateurs. Quels sont à ce jour les conséquences de cette rupture sur vos activités ?

La suspension de nos interconnexions SMS a pour conséquence la fin de nos activités de Fournisseur SVA sous le régime de la déclaration que nous étions contraint d'exercer depuis plus de 10 ans alors que nous disposons d'un titre de licence d'opérateur de réseau de services audiotex d'entreprise. Cette rupture sans préavis crée également un fort préjudice commercial chez nos clients entreprise qui n’ont pas été prévenu à temps pour prendre des dispositions pour la continuité de ses services de numéros courts SMS et bulkSMS que nous leur fournissons. Mais je tiens à rassurer nos clients que nous mettons tout en œuvre pour effectivement lancer très prochainement notre réseau mobinawa de services audiotex d'entreprise sur des numéros virtuels Camtel.

Les opérateurs vous réclament le paiement de vos factures. Qu’est-ce qui vous empêche de régler votre dette, puisque ce service vous permettait jusqu’ici de fonctionner ?

Oui ils réclament de payer des factures que nous contestons. Nous avons un différend commercial car ces factures n’ont pas été établies selon la procédure de réconciliation qui avait cours depuis plusieurs années et qu’ils ont arrêtée depuis plus de 3 ans. Bien plus, nous sommes en procédure de conciliation depuis plusieurs mois au niveau du régulateur ART en vue de la signature avec chacun des opérateurs mobiles de conventions d'interconnexion multicanal adaptées à notre statut d'opérateur licencié. Ceci nous fait subir un gros manque a gagner depuis l'obtention de notre licence en 2015.

Est-ce pour cela que vous avez demandé, dans le communiqué que vous avez publié à la suite de votre suspension, une clarification du statut d’opérateur licencié ?

Oui, parce que c’est depuis 2015 que nous avons obtenu une nouvelle licence de catégorie 1 qui nous a permis d’introduire des demandes d’interconnexion aux quatre opérateurs concessionnaires ; et seule Camtel a répondu favorablement en signant une convention d’interconnexion avec GTS-Infotel. Les trois autres opérateurs mobiles n’ont pas fait suite et ne reconnaissent pas notre statut d’opérateur télécom puisqu’ils continuent de nous assimiler à des Fournisseurs SVA alors que nous relevons du même régime de l’autorisation qu’eux. J’interpelle donc les pouvoirs publics à clarifier notre statut et les conditions d’exploitation de notre réseau Mobinawa.

Avez-vous entrepris une démarche auprès des autorités en charge de la régulation ? Si oui, quelle a été leur réaction ?

Nous avons saisi effectivement le régulateur immédiatement après ce problème de suspension de nos interconnexions SMS. Nous attendons toujours une confirmation de l’action que le régulateur aurait entreprise auprès des opérateurs pour qu’ils rétablissent nos connexions.

Depuis plusieurs années, vous réclamez des opérateurs l’interconnexion de votre réseau. Qu’est-ce qui peut expliquer la lenteur en quelque sorte de ce processus d’interconnexion avec les opérateurs ?

En premier lieu je dois dire qu’il y a une insuffisance de régulation. Il est question que le régulateur prenne une décision qui fixe les conditions d’exercice du réseau Mobinawa que nous entendons introduire dans le marché des entreprises de toutes tailles. Dans son rôle de facilitateur, le régulateur aurait dû au préalable approuver les types de services audiotex que nous souhaitons offrir à travers notre réseau tout en précisant les tarifs plafonds de terminaison entre notre réseau et les réseaux mobiles. Mais à défaut, cela n’aurait pas dû empêcher les opérateurs mobiles à faire droit à notre demande d’interconnexion, puisque selon les textes réglementaires, ils ont l’obligation de nous interconnecter. La preuve, c’est ce que Camtel l’a fait. Donc on peut dire que sur ce point, ça fait l’affaire des opérateurs mobiles. Ils détiennent le monopole de l’accès mobile (Voix, SMS, USSD) aux services numériques des entreprises. L’enjeu de l’inclusion mobile ne réside pas seulement dans le développement des services numériques mais bien plus dans leur accessibilité au plus grand nombre d’utilisateurs que sont les abonnés mobiles. Or aujourd’hui la plupart des abonnés mobiles n’ont pas internet, mais peuvent tous accéder aux services audiotex via les canaux Voix, SMS et USSD. Donc les services audiotex devraient être développés par le plus grand nombre des entreprises, si l’accès unifié mobile était disponible. Nous estimons qu’il y a là un gros manque à gagner surtout pour les opérateurs concessionnaires et licenciés.

Entretien réalisé par Ruben Tchounyabe

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